LES MANDATS GRATUITS RÉMUNÉRÉS DE LA SOCIÉTÉ RÉGIONALE D’INVESTISSEMENT WALLONNE… LE DÉDALE DES FILIALES
LES BILANS ANNUELS DÉPOSÉS À LA BANQUE NATIONALE CONTIENNENT DES INFORMATIONS TRÈS INTÉRESSANTES ET FACILEMENT ACCESSIBLES AUX CITOYENS. ON Y TROUVE, OUTRE LES COMPTES, LE NOM DES ADMINISTRATEURS, LES PARTS DÉTENUES DANS D’AUTRES ENTREPRISES, LES RAPPORTS DE GESTION, ETC. PETITE PLONGÉE DANS LES BILANS DE LA SOCIÉTÉ RÉGIONALE D’INVESTISSEMENT WALLONNE…
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En se plongeant dans les bilans de la Société régionale d’investissement wallonne (S.R.I.W.), l’association citoyenne Transparencia a découvert un mécanisme un peu curieux.
La S.R.I.W., instaurée en 1979 par le gouvernement wallon, est un holding qui a pour mission « d’intervenir financièrement à long terme dans des entreprises tant en Belgique qu’à l’étranger […] créant de la valeur ajoutée en région wallonne « . A cette fin, elle détient des parts dans les nombreuses sociétés où elle a investi mais également dans les filiales spécialisées qu’elle a créées, afin de gérer des projets particuliers. Cependant, en creusant, nous nous sommes aperçus que l’une d’entre-elles avait un profil différent des autres.
LA NÉBULEUSE DE LA S.R.I.W.
Samanda a été constituée en 2003, par la S.R.I.W. et par l’une de ses « sociétés-filles », Innotech S.A. (devenue la Fiwapac en 2008, un nom qui rappellera des souvenirs à certains à propos du sauvetage de Dexia).
L’objet de Samanda est libellé comme suit :
Nous constatons alors que Samanda envoie effectivement des administrateurs dans nombre de sociétés financées par la S.R.I.W. et que lesdits administrateurs travaillent également au sein de la S.R.I.W.
Les mandats exercés au sein de Samanda sont gratuits. C’est indiqué dans les statuts, qui n’ont pas été modifiés depuis 2003 selon les informations disponibles au Moniteur belge.
Voici des éléments fort contradictoires, qui suscitent quelques questionnements : les mandats exercés au sein de Samanda sont-ils rétribués ou non ? Ou bien faut-il comprendre qu’on parle ici des rétributions payées par les sociétés participées de Samanda pour l’intervention de ses administrateurs ? Pourquoi avoir créé Samanda? Est-ce que la S.R.I.W. ne pouvait pas envoyer directement des administrateurs dans les sociétés où elle investit, sans passer par Samanda ? Quelle est la raison de ce montage (créer une filiale à l’aide d’une autre filiale) ?
Nous avons donc interrogé la S.R.I.W., par l’entremise du Cabinet de son ministre de tutelle, Pierre-Yves Jeholet, et nous avons obtenu les explications suivantes :
« La S.R.I.W. prend des participations ou octroie des prêts à des sociétés actives en Wallonie.
Dans le cas de prise de participation en capital, à l’instar de tous les autres fonds d’investissements publics et privés, elle demande souvent un poste d’administrateur. En effet, c’est en général la seule façon pour un investisseur – souvent minoritaire – d’exercer une certaine influence sur les grandes stratégies de la société participée sans pour autant faire partie du management.
L’administrateur représentant la S.R.I.W. dans une société participée a le même statut que les autres administrateurs de la société (ou du moins que les autres administrateurs représentants des actionnaires). Dans certains cas, le poste d’administrateur est donc rémunéré.
L’ensemble des revenus promérités par les membres du comité de direction ou les employés de la S.R.I.W. du fait de leur fonction à la S.R.I.W. revient à la S.R.I.W.
Quand un membre de la S.R.I.W. exerce un mandat d’administrateur rémunéré dans une société participée, la rémunération revient donc à la S.R.I.W. C’est prévu dans les statuts de la S.R.I.W., repris dans les contrats des membres du personnel, et cela est précisé dans les rapports annuels.
Pour faciliter l’affectation de cette rémunération à la S.R.I.W., les mandats d’administrateurs dans les sociétés participées sont le plus souvent exercés en qualité de représentant d’une société du groupe S.R.I.W., Samanda ou Sparaxis.
Ce sont ainsi ces sociétés qui bénéficient directement des revenus éventuels liés à l’exercice d’une fonction d’administrateur dans une société participée.
Cette manière d’exercer le mandat via une société n’est pas exceptionnelle dans le chef d’investisseurs d’une certaine taille et elle est préconisée par les conseillers juridiques pour créer une certaine « distance » entre la personne physique et le mandat d’administrateur. La S.R.I.W. investit aussi dans des start up ou spin off ou le risque de faillite est élevé. Elle clarifie donc les responsabilités éventuelles.
Les mandats pourraient être exercés au nom de la S.R.I.W. elle-même, mais le choix a été fait d’agir via des filiales pour protéger les actifs de la S.R.I.W. d’éventuelles actions en responsabilité à l’encontre de l’administrateur (pour lesquelles les assurances ad hoc sont aussi évidemment souscrites). Il s’agit donc d’un « étage juridique » supplémentaire faisant partie de la gestion des risques liés à l’exercice de mandats d’administrateurs dans des sociétés commerciales. En ce sens, leur existence fait partie de la protection juridique du patrimoine de la S.R.I.W.
L’article 61, § 2 du Code des Sociétés précise que « lorsqu’une personne morale est nommée administrateur […], celle-ci est tenue de désigner parmi ses associés, gérants, administrateurs, membres du conseil de direction, ou travailleurs, un représentant permanent chargé de l’exécution de cette mission au nom et pour le compte de la personne morale ». C’est pour respecter cette obligation légale que l’ensemble des investment managers de la S.R.I.W. sont désignés comme administrateurs de Samanda. Ce mandat est évidemment gratuit.
En résumé, le mandat exercé dans une société participée peut être rémunéré, au profit de Samanda, mais le mandat d’administrateur de Samanda est gratuit. »
Selon la S.R.I.W., ces pratiques seraient donc conformes à la législation.
Rappelons que cet article ne donne qu’un bref coup de projecteur sur le fonctionnement de la S.R.I.W. Il y aurait encore matière à décortiquer : la Fiwapac, par exemple, va disparaître car le gouvernement wallon a décidé de lancer un processus de simplification. Mais comme la Fiwapac a servi à créer Samanda, quel impact aura la disparition de la première sur la seconde ? Est-ce que Samanda interagit avec d’autres filiales et dans l’affirmative, lesquelles ? A quoi sert exactement Sparaxis (que nous n’avions pas repérée car les statuts sont trop anciens et indisponibles en ligne) ?
La lisibilité et la motivation de ces montages restent fort complexes pour les non initiés. A cet égard, il serait souhaitable que la S.R.I.W. se montre un peu plus prolixe et pédagogue car, après tout, elle gère de l’argent public. Sur son site, seules les principales filiales sont listées. Un organigramme plus complet, schématisant les interactions entre les unes et les autres contribuerait, par exemple, à une meilleure perception de la composition du groupe.
Assez étrange.