Du changement en politique ? Oui mais lequel ?
Dimanche passé, j’étais dans l’isoloir, comme nombre d’entre-vous. Devant mes yeux, un bulletin sur lequel, une fois n’est pas coutume, mon nom est indiqué en toutes lettres : je suis candidate aux élections, pour la première fois de ma vie. Sur une liste citoyenne. Une vraie, où tous ceux qui m’accompagnent sont novices. Pas l’une de celles qui sert d’alibi marketing à des élus en mal d’authenticité.
Les listes citoyennes n’ont pas rencontré le succès que la désaffection envers le monde politique laissait croire. Les électeurs se sont tournés majoritairement vers les partis qu’ils connaissent déjà. Dans mon esprit, pas d’amertume. Moi et mes colistiers, nous avons fait ce que nous avons pu, ce que nous avons cru juste. Nous voulions une alternative, nous l’avons proposée. Avec nos mots, avec nos moyens.
Ce ne fut pas facile, comme vous vous en doutez. Nous avons dû nous renseigner le plus précisément possible sur la procédure, convaincre plus de 100 personnes de signer un formulaire qui nous permettrait de déposer notre liste, investir de notre poche pour des tracts et des affiches (sachant que plusieurs candidats étaient des allocataires sociaux, ce qui rendait l’investissement encore plus délicat pour eux), prendre sur notre temps pour coller et distribuer tout cela, organiser des réunions d’information… Sur ce plan-là aussi, quand je regarde en arrière, malgré le stress, les tensions, je pense sincèrement que nous n’avons pas démérité.
Par contre, nous sommes restés impuissants face à un obstacle bien particulier : le verrouillage imposé par les organisateurs d’événements politiques (médias, universités, syndicats, etc.).
Oui, les médias accordent un peu d’attention aux listes citoyennes. Les journaux écrivent quelques articles sur elles, pour les présenter ou pour analyser le phénomène de ces citoyens un peu étranges, qui veulent s’investir différemment. Mais les listes citoyennes ne bénéficient pas du tout du même matraquage médiatique que les partis connus. Pourtant, elles n’étaient pas si nombreuses et certaines présentaient des projets tout à fait sérieux.
En ce qui concerne les médias, ils sont tenus légalement de veiller au temps de parole durant la période électorale. Cependant, les chaînes de télé locales ou à large audience ont imposé un plafond de verre aux listes citoyennes : pour accéder aux nombreux débats qui animent la campagne, il faut disposer de mandataires. Les vraies listes citoyennes ne sont donc ni invitées ni autorisées à participer, même si elles en font la demande.
Ce verrou se retrouve aussi au niveau des organisateurs d’événements politiques tels que les universités ou les syndicats. Ainsi, la liste citoyenne dont je faisais partie s’est vue refuser de manière systématique l’autorisation de monter à la tribune dans les débats locaux. L’un des organisateurs que nous avons sollicité est un politologue bien connu. Les politologues, ce sont tout de même les spécialistes qui s’accordent pour constater l’inégalité des petits partis face aux grands. Nous attendions de la part d’une personnalité comme celle-là qu’elle manifeste un peu d’intérêt envers notre démarche, qu’elle nous laisse une chance de nous exprimer. Cela aurait apporté un peu d’air frais dans un paysage politique belge sclérosé. Mais non.
Il a préféré maintenir son invitation envers une autre petite liste (qui, elle, possédait un nom connu et un mandataire dans une autre région !) et dont la participation était totalement incertaine plutôt que de céder cette place à un parti citoyen motivé, qui avait déposé sa liste en temps et en heure au bureau électoral. Finalement, le siège est resté vide car la liste concurrente n’est pas venue.
De tout ce qui précède, je ne peux m’empêcher de tirer quelques conclusions, totalement empiriques, mais pas forcément dénuées de fondement : les listes citoyennes font face à une résistance, qui, parfois, se cache aussi là où on s’attendait à plus d’objectivité et d’ouverture. Les listes citoyennes perturbent les habitudes, les mentalités. Auprès d’un certain establishment qui ne veut pas leur faire de place mais aussi auprès de la population, qui ne se montre peut-être pas assez curieuse et audacieuse pour oser la nouveauté. Pourtant, dans les listes des partis connus, il y a également pléthore de novices qui ne méritent ni plus ni moins votre confiance que ceux des listes citoyennes.
Du coup, je me demande… Voulons-nous vraiment du changement ? Et, dans l’affirmative, un changement de quelle ampleur ?