RECHERCHE CANDIDATS POUR COMMISSION DE DÉONTOLOGIE DÉSESPÉRÉMENT…
EN SEPTEMBRE 2018, NOUS AVIONS PUBLIE UN ARTICLE RELATANT LES ALÉAS AUTOUR DU LANCEMENT DE LA COMMISSION DE DÉONTOLOGIE FRANCOPHONE. 20 APPELS À CANDIDATURES PLUS TARD, TEL SŒUR ANNE, LE CITOYEN NE VOIT TOUJOURS RIEN VENIR. LA COMMISSION DE DÉONTOLOGIE BRUXELLOISE, NOUVELLEMENT CRÉÉE, SEMBLE SE DIRIGER ELLE AUSSI VERS UN ÉTAT DE STAGNATION SIMILAIRE.
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UNE COMMISSION DE DÉONTOLOGIE FRANCOPHONE ET UNE COMMISSION DE DÉONTOLOGIE BRUXELLOISE
Depuis 2014, il est prévu de créer une Commission de déontologie francophone qui concerne la Région wallonne, la Communauté française et la COCOF. Pour la constituer, 20 appels à candidatures ont été publiés sans succès depuis deux ans. Le premier appel est paru le 10 mai 2017 et le dernier a été publié au Moniteur belge le 11 avril 2019.
De leur côté, en décembre 2017, la Région bruxelloise et la COCOM ont adopté une ordonnance qui prévoit de les doter, elles aussi, d’une commission de déontologie. En ce qui concerne cette dernière-née, trois appels ont été publiés à ce jour : le 5 novembre 2018, le 7 janvier 2019 et le 19 février 2019. D’après les informations que nous avons reçues des services de Charles Picqué, Président du Parlement, l’appel de novembre a recueilli une seule candidature et le second, aucune. Nous ne connaissons toujours pas les résultats du dernier appel de février.
QUE FONT LES PARTIS ?
Face au constat de cette difficulté persistante à trouver des candidats, nous avons interrogé le PS, le CDH et le MR. En effet, en cette période électorale, il nous paraît intéressant de savoir quelle est la position de ces trois partis au sujet de cette problématique symptomatique.
Pourquoi avons-nous ciblé le PS, le CDH et le MR ? Les sièges de la Commission de déontologie francophone sont dévolus en fonction de la clé D’Hondt (2) appliquée au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Sur cette base, la répartition actuelle est de 4 sièges pour le PS, 3 pour le MR et 1 pour le CDH (3). En ce qui concerne la répartition au sein de la Commission bruxelloise, la clé D’Hondt n’est pas d’application. Les candidats doivent représenter « au mieux la diversité des tendances politiques présentes au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale« , où nous pouvons observer que le PS, le MR et le CDH y possèdent aussi beaucoup d’élus. Le PS, le MR et le CDH sont donc les trois partis qui doivent présenter des candidats dans les deux commissions.
A ce trio, nous avons posé les questions suivantes :
- Comment expliquez-vous le profond manque de motivation que suscitent ces commissions au sein de votre parti ?
- Si c’est une question de culture politique (par exemple, réticence à traiter des dossiers dans lesquels des pairs seront concernés), quelle(s) mesure(s) proposez-vous pour trouver (rapidement) les candidats ?
- Quelle est votre position concernant l’introduction d’observateurs citoyens au sein de ces commissions ? Certains avis sont confidentiels mais les observateurs citoyens pourraient être soumis à cette confidentialité et effectuer leur mission avec obligation de ne pas lever l’anonymat des mandataires épinglés.
AU PS, DES CANDIDATS POTENTIELS PAS INTÉRESSÉS
A ces trois questions, le PS a répondu ceci : « Les commissions de déontologie créées au sein des Parlements connaissent effectivement d’importantes difficultés liées à leurs critères de composition. Pour en être membre, il faut en effet être totalement retiré de la vie politique, ce qui suppose souvent d’avoir tourné la page. Soyez néanmoins certain qu’il ne s’agit nullement d’une manœuvre de notre part pour éviter que les commissions puissent se mettre en place. Nous avons sondé à plusieurs reprises les personnes susceptibles d’entrer dans les critères pour être candidates mais aucune n’est intéressée ».
Il préconise, pour sortir de ce blocage, « de revoir les textes qui fondent ces commissions en prévoyant des critères plus larges pour en être membres. Le modèle français du déontologue auprès de l’Assemblée nationale pourrait être une piste à envisager. Le PS est en tout cas ouvert à toute proposition qui permettrait de faire fonctionner ces commissions de déontologie ».
Enfin, concernant une éventuelle participation citoyenne : « A l’instar des commissions citoyennes que nous souhaitons créer au sein des Parlements et des Conseils communaux et provinciaux, nous sommes favorables à ce que des observateurs citoyens siègent au sein de ces commissions pour autant que ce soit accompagné de mesures strictes pour garantir la confidentialité des dossiers ».
AU CDH, ON APPELLE CHACUN A PRENDRE SES RESPONSABILITÉS
« Le cdH a toujours plaidé pour une mise en place rapide des différentes commissions de déontologie », nous a répondu leur équipe. « Nous souhaitons que tous les partis prennent leurs responsabilités à cet égard. Si les Commissions de déontologie ne devaient pas être constituées avant la fin de la législature, le cdH proposera de revoir sa composition et notamment les incompatibilités ».
Enfin, en ce qui concerne la participation citoyenne, « Le cdH est d’avis qu’il convient d’assurer que les commissions de déontologie assurent la transparence et la publicité de leurs travaux. Il convient toutefois de veiller à ce que les délibérations puissent se tenir de manière libre, à l’instar des jurys d’assise par exemple. Nous ne fermons pas la porte à cette proposition mais souhaitons identifier comment concilier au mieux la transparence nécessaire des travaux des commissions de déontologie avec la capacité de mener des délibérations en toute sérénité. En tout état de cause, les observateurs seraient également soumis à des règles strictes de confidentialité et de prévention de conflits d’intérêts ».
AU MR, ON « PARTAGE » LA PRÉOCCUPATION DES CITOYENS
L’équipe du MR, quant à elle, affirme que, « soucieux des questions de bonne gouvernance, [le MR] a soutenu, dès le départ, tant le principe que la mise en œuvre de ces institutions. Notre parti a abordé, de manière proactive, cette problématique lors de la réunion du bureau du 17 janvier 2019 [au Parlement wallon]. Pour ce qui concerne le MR, nous tenons à souligner, toutefois, que les candidatures ont déjà dûment été proposées et ce, en nombre. Le MR est, dès lors, totalement étranger à la problématique que vous soulevez. Il n’y a donc aucun manque de motivation dans notre chef. Nous encourageons, par contre, chaque parti politique à prendre ses propres responsabilités. »
Ils ajoutent également que « le MR est à la base de l’initiative de créer une telle commission au sein de l’assemblée bruxelloise. Notre texte a été déposé au début de l’année 2017 avant d’être repris dans les travaux du groupe de travail sur la bonne gouvernance. Nous avons été les premiers à défendre l’idée de doter cet organe de véritables pouvoirs, en introduisant, outre une faculté d’avis et de recommandations, des prérogatives quasi juridictionnelles (« Elle doit pouvoir exercer un véritable pouvoir juridictionnel, en prononçant des sanctions à l’égard des mandataires publics en infraction aux règles en matière de transparence et de limitation des rémunération. »).
Le MR a obtenu une commission de déontologie dotée d’une composition mixte et fixant les conditions pour garantir l’impartialité complète de ses membres. […] La mise en place de la commission bruxelloise peut paraître lente en raison du caractère mixte souhaité (des membres du milieu académique, d’anciens magistrats, d’anciens mandataires publics : 14 candidats (3), avec un nombre de candidats néerlandophones à respecter, etc.), des conditions strictes que les parlementaires ont décidé d’imposer pour veiller à une commission pleinement indépendante (régime d’incompatibilités, domicile en Région bruxelloise, expérience requise, etc. : tout cela est fort probablement susceptible d’influencer le nombre de candidats). Le MR prend, en tout cas, l’engagement de tout faire pour que naisse cette commission et lui permettre d’assurer ses missions en toute indépendance. »
Enfin, en ce qui concerne l’introduction d’observateurs citoyens, « sur la forme, cela suppose une modification de la législation actuelle, soit de l’accord de coopération cité supra. Dans cette hypothèse, cela signifierait un risque de report accru de la mise en place de la commission de déontologie et d’éthique. Nous pensons néanmoins que cette possibilité peut être étudiée et qu’elle devra s’envisager en lien avec l’impérieuse nécessité du respect de la confidentialité des données. D’une manière plus globale, nous pensons qu’il faut faire confiance aux membres de ces commissions – pour rappel également composées de magistrats –, qui prendront à cœur d’effectuer leur mission avec droiture, dignité et efficacité, mais également aux électeurs, qui gardent le dernier mot et ont le droit de sanctionner ou de plébisciter les élus à l’occasion des élections ».
LE MR A-T-IL VRAIMENT PROPOSE DES CANDIDATS « EN NOMBRE » ?
Cette déclaration tranchée a attiré notre attention. Nous avons donc réinterrogé les 3 partis. Le MR a indiqué avoir introduit 2 candidatures pour les ex députés et 1 candidature pour les ex mandataires publics en date du 23 octobre 2017 (elles seraient apparemment toujours valides). Il a donc effectivement rempli son quota.
A priori, vu ses déclarations, cela ne devrait pas être le cas du PS mais nous n’avons pas reçu confirmation. Quant au CDH, il a répondu mais en esquivant les chiffres : « Le CDH veillera à relayer ces appels à candidatures afin que ces Commissions soient mises en place au plus vite« .
Nous avons aussi questionné les greffes chargés de récolter les candidatures pour les deux commissions.
Pour la Commission francophone, on nous a répondu qu’ « en l’état actuel, les parlements concernés n’ont pas pu se prononcer sur les candidatures reçues et il n’existe dès lors à ce stade aucun document parlementaire établissant les informations [sollicitées]. Par ailleurs, les candidatures sont déposées par les candidats eux-mêmes et non par les groupes politiques. […] Le Greffe ne peut [donc] raisonnablement attribuer à l’un ou l’autre candidat une obédience politique ».
Pour la Commission bruxelloise, nous avons appris que c’est une candidate appartenant autrefois à DEFI qui a postulé. Le Greffe ignore si elle est toujours membre d’un parti actuellement.
Rappelons aussi que selon le député wallon Stéphane Hazée (ECOLO), que nous avions interrogé dans notre article précédent, « entre 2014 et 2017, le Bureau du Parlement wallon (PS, CDH et MR) a choisi de ne pas exécuter le texte et n’a pas publié d’appel à candidatures [jusqu’en 2017] », ce qui est confirmé par les faits.
LE DÉLAI DE RÉPONSE DE LA PRÉSIDENCE DU PARLEMENT BRUXELLOIS
Pour réaliser cette enquête, nous avons interrogé des partis politiques et les administrations des différentes assemblées. Alors que le Parlement de la Communauté française ou le Parlement wallon ont été capables de nous répondre en moins de 24 heures, le délai de réaction des services du Président du Parlement bruxellois avoisine les deux mois. Au moment de publier cet article, nous sommes toujours en attente d’informations demandées depuis le 10 mars 2019.
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(1) Clé D’Hondt : système d’attribution qui vise à donner à chaque liste un nombre de sièges proportionnel à son score électoral
(2) La Commission francophone est composée de 12 membres : 4 anciens parlementaires, 4 anciens mandataires et 4 magistrats ou professeurs de droit. L’application de la clé D’Hondt concerne uniquement les deux premières catégories.
(3) Des amendements ont été déposés récemment pour faire passer le nombre de membres de la Commission bruxelloise 14 à 10 ou 11